La politique de communication de la collectivité vise clairement à mettre en valeur son président. Laurent Wauquiez. La Chambre régionale des Comptes d’Auvergne Rhône-Alpes a publié ce jeudi, un rapport d’observations définitives sur les dépenses de la Région Auvergne Rhône-Alpes en matière de communication, dans le cadre d’une enquête transversale sur l’action de collectivités dans ce domaine.
L’objet de l’enquête de la Chambre des Comptes d’Auvergne Rhône-Alpes a été vécu comme très intrusif dans la collectivité dont les pratiques au sommet de l’organigramme sont sous les feux des projecteurs du Parquet National Financier depuis plusieurs années. La découverte des é diners des sommets » , il y a près de deux ans, avait soulevé un coin du voile.
Un voile que les magistrats des comptes ont tiré. En affrontant parfois des résistances de la part de dirigeants élus ou de cadres qui ne cessent de vanter » la région la mieux gérée de France » . » Le déroulement de ce contrôle a été marqué par la production de certaines réponses incomplètes de la part de la région et, en fin d’instruction, par des difficultés pour obtenir des réponses à certaines questions adressées à la collectivité et pour accéder à certains documents. » note la synthèse du rapport, ce dernier seul faisant foi.
Visibilité d’abord
La chambre a contrôlé la région Auvergne-Rhône-Alpes pour les exercices 2016 et suivants, dans le cadre d’une enquête régionale sur la communication externe des collectivités locales. La synthèse publiée en marge du rapport d’observations définitives ( ROD) rappelle qu’ « à la suite de la fusion des régions Auvergne et Rhône-Alpes en 2015, la nouvelle région a développé une stratégie de communication, sous l’impulsion de son nouveau président, visant à faire connaître et à rendre « visible » la collectivité en tant que « marque », ce qui a d’abord nécessité la création d’une nouvelle identité graphique. » Cette stratégie est encore au cœur de la politique de communication de la région. Elle se traduit par d’importantes campagnes de communication sur tous supports, des affichages systématisés sur les bâtiments et équipements dont elle dispose, des demandes de contreparties publicitaires dès lors que la région finance une autre collectivité locale ou un évènement.
Aucune évaluation
La communication de la région est structurée mais n’est pas formalisée et gagnerait à être présentée pour information au conseil régional, qui à l’heure actuelle dispose de peu d’éléments . De plus, malgré l’importance des moyens mis en œuvre, la région » la mieux gérée » n’a jamais procédé à une quelconque évaluation des résultats obtenus au regard de cet objectif.
La stratégie de communication s’articule largement autour de la personne du président du conseil régional ce que la région assume car elle estime « que l’incarnation de l’action de la région à travers son président est un élément utile pour identifier la collectivité. » Cependant la chambre estime subtilement » que l’amalgame entre le président du conseil régional et la collectivité régionale peut mener à engager des dépenses qui ne sont pas uniquement motivées par des logiques de communication institutionnelle. »
Des études auxquelles il doit être mis une fin
Une collaboratrice de cabinet gère tous les réseaux sociaux du président du conseil régional pour des sujets régionaux ou des sujets de politique nationale. La région paie sondages et études d’opinion ( 350 000 € sur la période), qui apportent des informations quant à l’action de la région ou sa communication. » Toutefois elle paie également des études assez largement centrées sur la personne du président de région et à connotation politique auxquelles il doit être mis fin car situées hors du champ de l’information institutionnelle »
400 000 euros pour les voeux de 2024
En termes de réceptions, au-delà des évènements comme les vœux du président (0,4 M€ en 2024), la tenue des « diners des sommets » en 2022 (0,18 M€) et l’organisation de repas d’affaires du président à Paris, avec des personnalités médiatiques ou politiques, constituent des dépenses dont il reviendrait au conseil régional d’apprécier l’intérêt pour la collectivité publique
D’autres pratiques semblent liées à une stratégie de ciblage particulier des destinataires : achats d’espaces dans des supports pouvant comporter un éditorial du président du conseil régional, concentration des contrats de contreparties d’images sur la Haute- Loire (28 % du financement de ces contrats alors que la population de ce département ne représente que 2,8 % de celle de la région). Ces financements ne font l’objet d’aucune information du conseil régional.
Les dépenses de communication de la région » la mieux gérée de France » ont connu une hausse importante entre 2018 et 2020. Leur progression a continué en valeur absolue pour atteindre 36 M€ en 2023 mais se sont stabilisées. En euros par habitant, elles s’établissent à 4,45 € en 2023 contre 2,82 € en 2018 (+ 58 %). Dans le même temps, le budget total de la région a augmenté de 17,5 %.
Des dépenses mal identifiées
Malgré leur importance, ces dépenses sont mal identifiées par la région » la mieux gérée de France » , dépourvue de comptabilité analytique qui permette de les isoler. Le budget de la seule direction de la communication ne peut servir à les évaluer. est en effet cinq fois inférieur aux dépenses totales largement portées par d’autres directions. En lecture directe le budget communication apparait bien plus modeste qu’il ne l’est en réalité. « Le conseil régional ne connaît donc pas le montant des dépenses de communication de la collectivité, ce à quoi il doit être remédié. » souligne le texte de la synthèse.