Clara Trevisiol, co-fondatrice de la société Monabee, réaffirme que nous devons changer de modèle énergétique, c’est à dire de ressources, mais aussi de comportements.
La flambée des prix de l’énergie est une préoccupation quotidienne des Français et elle va, hélas, se pérenniser avec l’émergence du conflit entre l’Ukraine et la Russie. Ces bouleversements géopolitiques, ajoutés aux enjeux écologiques, remettent en question notre souveraineté énergétique. Pourtant, chaque français à un rôle à jouer pour gagner cette course à l’indépendance.
L’inflation énergétique est un serpent de mer. A chaque bond, le Gouvernement déploie un arsenal de mesures. Dernière en date : limiter à 4% en moyenne la hausse des tarifs, alors que sans son intervention, elle aurait dû être de plus de 44% . A court terme, cette panoplie de mesures permet d’amortir le choc. Mais à long terme, les effets sont très limités. Et la guerre qui fait rage aux portes de l’Europe vient complexifier cette situation.
Il est donc grand temps de traiter ce problème à la racine, en remettant la consommation au cœur de notre stratégie énergétique et ne plus se focaliser uniquement sur nos capacités de production. Pour cela, chacun de nous doit devenir acteur de sa propre consommation.
Lors de son discours à Belfort, Emmanuel Macron a dévoilé la feuille de route énergétique France 2030. Il a souligné que «le premier grand chantier est de consommer moins d’énergie. Nous devons en 30 années être capables de baisser de 40 % nos consommations d’énergie.»
Modifier les comportements
Il nous faut donc repenser notre approche et remettre en question nos gestes du quotidien.L’Etat doit déployer une vaste politique publique de maîtrise de la consommation.L’enjeu fondamental est d’apprendre à consommer de façon plus sobre et plus responsable.
Pour mettre en pratique l’efficacité énergétique et la réduction de la consommation, il existe trois axes possibles qui nécessitent l’engagement et le soutien des pouvoirs publics : développer notre capacité à la flexibilité, approfondir le volet comportemental et massifier l’autoconsommation.
Solutions de flexibilité
En premier lieu, les solutions de flexibilité et de pilotage de la demande peuvent jouer un vrai rôle. En d’autres termes, il faut apprendre à moduler sa consommation sans pour autant perdre en confort, mais tout en ayant un impact significatif sur le réseau en tension à un moment où cela est nécessaire. Cette pratique, dite de l’effacement diffus, consiste à réduire, voire à couper temporairement certains équipements lors des pics de consommation afin de ne pas déséquilibrer le réseau électrique et de ne pas solliciter les centrales thermiques plus polluantes. Ainsi des outils de monitoring et de pilotage de la consommation développés par des sociétés françaises (comme Eqinov, EnergyPool, Flexcity, Monabee) peuvent diminuer la tension sur le réseau aux moments les plus appropriés.
Par ailleurs, il est possible de modifier certains comportements, sans avoir à investir dans de nouveaux équipements ou engager de lourds travaux de rénovation. Des expérimentations ont déjà fait leurs preuves, tels que les programmes américains Opower**. Les usagers prennent connaissance de leur consommation mais aussi celle de leurs voisins (ou d’une centaine de ménages similaires) et ils peuvent se comparer. Voulant être plus vertueux que leurs voisins, ils adoptent rapidement les solutions proposées.
Ces expérimentations qui font appel aux sciences du comportement mais appliquées aux énergies ont permis de réaliser 30TWh d’économies d’énergie, pour plus de 2 milliards de dollars**. Placé au cœur du dispositif, l’usager a ainsi pu prendre le contrôle de sa consommation grâce à une approche pédagogique et responsabilisante.
Production au autoconsommation solaire
Enfin, il faut encourager l’installation de dispositifs de production et d’autoconsommation solaire, que ce soit pour les maisons individuelles ou les copropriétés. Ces dispositifs éco-responsables, qui séduisent de plus en plus de français, doivent être soutenus et encouragés par les pouvoirs publics, car ils positionnent l’usager en tant que véritable consom’acteur impliqué dans la gestion de son énergie. A l’aide d’outils digitaux simples et ludiques à l’usage, chacun peut ainsi piloter en temps réel tout ou partie de sa consommation en fonction des « heures solaires » qui sont les plus propres et les moins coûteuses. Les panneaux solaires sur une maison peuvent notamment faire chuter de 20% à 40% la facture d’électricité d’un ménage.
Ce sont donc autant de solutions concrètes qui rendront les Français moins sensibles aux hausses du prix de l’énergie et aux conflits géopolitiques. Il existe un vivier d’entreprises tricolores qui innovent pour rendre accessibles ces technologies et investissent pour offrir la possibilité à chacun de tendre vers la sobriété énergétique. Nous avons la capacité de nous adapter pour changer de modèle, sans pour autant revenir au temps des lampes à pétrole.
Il appartient aux fournisseurs d’énergie, à l’Etat et à tous les acteurs du secteur, de mettre à disposition des usagers finaux une information intelligible, claire et pédagogique qui permette de les engager dans une démarche de réduction des consommations.
Nous devons tous être acteurs et enclencher ce changement profond de paradigme. Le consommateur doit se rendre compte qu’il a le pouvoir de changer les choses pour ne plus subir cette inflation énergétique.
Clara Trevisiol Co-fondatrice de Monabee, Membre du collectif entrepreneurial Luciole, Vice-Présidente d’AuRA Digital Solaire
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