La cession de Rhodia par Rhône Poulenc à la fin des années quatre vingt dix et au début des années 2000 est un des épisodes les plus troubles de l’histoire récente de l’industrie, de la chimie et de l’industrie régionale. Daniel Lebard, qui a été au centre de l’histoire, explique dans un livre entretien avec la journaliste Ghislaine Ottenheimer, comment ce scandale s’est déroulé
A la fin des années quatre vingt dix, Rhône Poulenc, dirigé depuis 1986 par Jean René Fourtou, prévoit se se désengager de la chimie, secteur porteur de risques industriels et environnementaux. L’objectif du groupe est de se recentrer sur les activités pharmaceutiques, en préparant avec Hoescht une qui doit donner naissance du groupe Aventis devenu sanofi Aventis. Pour peser dans le mariage, Rhône Poulenc doit aussi grossir .
Les activités chimiques sont d’abord filialisées au sein de Rhodia, société introduite en bourse en 1998 pour devenir autonome. Mais pour se séparer de l’entreprise, il faut la rendre encore plus attractive.
Embellir la mariée
La stratégie des dirigeants de Rhône Poulenc, explique Daniel Lebard, consiste à alléger les charges futures de Rhodia en raccourcissant la prise en compte des risques environnementaux de la filiale qui doivent incomber pendant une longue durée à l’ancienne maison mère. Les risques environnementaux sont en général pris en compte pour une durée de trente ans. Rhône Poulenc réalise un montage qui fait fondre en dix ans toutes ses responsabilités Or, Rhodia possède plusieurs sites, aux USA au Brésil, qui génèrent de lourds dépenses de dépollution.
Pour rendre Rhodia attractive, Rhône Poulenc imagine aussi d’en faire le numéro un mondial des produits phosphatés. Les dirigeants de RP préparent donc l’achat par Rhodia, de la société britannique Albright et Wilson. L’opération est préparée en prenant soin de dissimuler qu’Albright et Wilson est plombée par son fond de pension, en déficit de 140 millions d’euros. Un accord secret prévoit cependant que le prix effectivement payé ne sera pas celui du marché ( quand les difficultés d’A et B seront connues), mais le prix fort arrêté en 1999 quand l’opération est décidée. Albright et Wilson est achetée 925 millions alors que la valeur de la société est selon Daniel Lebard, de 500 à 600 millions.
Désengagement progressif
Petit à petit, Rhône Poulenc cherche à se désengager de Rhodia financièrement, tout en contrôlant les informations. L’entreprise chimique entre dans une période de grandes difficultés: une catastrophe pour les actionnaires et pour les salariés qui ont acheté des actions. Le titre Rhodia devient une « action pourrie ».
Dans son dialogue avec la journaliste Ghislaine Ottenheimer, Daniel Lebard, démonte petit à petit les rouages. Il explique comment les responsables de Rhône-Poulenc, Jean-René Fourtou, Jean Pierre Tirouflet en premier lieu, maintiennent la fiction d’une séparation entre les deux entreprises, alors que Rhône-Poulenc guide en fait la politique de la société chimique. Daniel Lebard souligne que le futur ministre de l’Economie, Thierry Breton, président du comité d’audit de Rhodia aurait du aussi être moins négligeant. Daniel Lebard rappelle comment Rhodia est autorisé à racheter Albright, par le commissaire européen à la concurrence, Karel Van Miert, qui entrera en 2004 au conseil d’administration de Vivendi… … dirigé par Jean René Fourtou.
L’ouvrage fait pénétrer dans les coulisses d’une certain haute industrie, où communication rime parfois avec propagande, où se mêlent opérationq personqelles, absence de transparence par rapport aux marchés et fuite des responsabilités écologiques.
Daniel Lebard regrette que le scandale n’ait pas éclaté. Il souligne qu’aux Etats-Unis, l’affaire Enron a très vite éclaboussé des responsables, mis la justice en route, mis en cause des cabinets de conseils ou d’audit. Autour de Rhodia, c’est le silence, l’Autorité des Marchés Financiers ou des cabinets ne faisant pendant longtemps aucune remarque sur des irrégularités.
Le dossier Rhodia n’est cependant pas clos, loin de là. L’Autorité des Marchés Financiers a finalement condamné Rhodia et Tirouflet à des amendes pour diffusion d’informations financières inexactes. Et le 27 juin 2007, Jean-Pierre Tirouflet, ancien pdg de Rhodia a été mis en examen « pour diffusion d’informations fausses ou mensongères sur la situation d’un émetteur coté sur le marché réglementé, délit d’initié et recel de délit d’initié.
L’Affaire, l’Histoire du plus grand scandale financier français, Daniel Lebard, avec Ghislaine Ottenheimer, Le Seuil, 252 pages, 18 euros.
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