En privilégiant la sécurité d’approvisionnement en énergies fossiles venant de Russie, sans mettre en avant la réduction de sa dépendance, l’Union Européenne est piégée. En accélérant sa sortie des énergies fossiles, elle fera d’une pierre deux coups, réduira ses émissions et ses dépendances. L’Académie des Technologies avance des pistes dans un rapport publié ce jeudi.
L’Europe et la Russie ont choisi, par défaut, d’être mutuellement très dépendantes en matière d’énergies fossiles. En valeur, pour les importations d’énergie par l’Union européenne en provenance de pays non-membres, le pétrole occupe de loin la première place. Le montant mensuel moyen d’importations, aux prix pratiqués avant la crise actuelle, est d’environ 25 milliards d’euros dont environ le tiers pour du pétrole russe.
Dépendance accrue
Si l’Europe dépend de la Russie pour son énergétie, la Russie dépend de l’Europe pour financer son budget via les excédents de sa balance commerciale. La Russie a misé sur l’appétence européenne pour son énergie pour en faire son premier client. Près des trois quarts du gaz exporté par la Russie est destiné à l’Europe. Ces dernières années, l’Europe a même accru ses importations de gaz en provenance d’autres pays , en achetant du gaz de schiste américain, et du gaz naturel du Moyen Orient). Mais près la moitié du gaz importé en Europe vient toujours de Russie. De plus la stratégie européenne de décarbonation visant la sortie progressive du charbon repose très largement sur un accroissement des importations de gaz russe, le gaz étant moins émetteur de CO2.
Absence de plan pour l’autosuffisance
Cependant souligne l’Académie des Technologies, ce modus vivendi Europe-Russie, repose sur des non-dit. Les traités européens et les plans énergétiques de la Commission Européenne ne se fixent aucun objectif d’autonomie énergétique, aucun calendrier. L’autonomie est restée un voeu pieux, et la dépendance s’est accrue. Le seul objectif est la sécurité d’approvisionnement, la disponibilité, à tout prix. Le marché était le suivant: la Russie étant dépendante et donc fiable, était supposée contrainte d’assurer la sécurité d’approvisionnement.
La guerre contre l’Ukraine avait été précédée par l’annexion de la Crimée , sans que l’Europe s’interroge sur sa dépendance énergétique. La guerre remet en cause la stratégie européenne pour les prochaines décennies. « Il y a urgence à réagir ; c’est ce que l’Union européenne a commencé à faire lors du sommet de Versailles des 10 et 11 mars 2022[2]. Le Conseil européen débattra à nouveau des propositions de la Commission lors de ses réunions des 24-25 mars et des 23-24 juin 2022. » commente l’Académie des Technologies.
Au cœur de la réflexion, des décisions et des actions: la sortie des hydrocarbures russes, soit parce que les Européens sanctionnent la Russie, soit que cette dernière en représailles de sanctions décide de réduire voire d’assécher ses livraisons vers l’Europe.
Comment réduire la dépendance européenne aux hydrocarbures russes ? A long terme, la stratégie européenne prévoit de sortir de tous les hydrocarbures en 2050, dont évidemment des hydrocarbures russes. Les mesures Fit-for-55 annoncées par la Commission Européenne le 14 juillet 2021 visent à réduire les émissions européennes de CO2 de 55% en 2030 par rapport à 1990. Cet objectif s’est abruptement substitué à un objectif de réduction de 45% déjà très ambitieux. Pour l’Académie, il paraît exclu de l’amplifier.
Mais peut-on aller plus vite : que faire à court terme ; comment préparer l’hiver prochain ? Et la brutalité de la crise actuelle pose-t-elle des questions sur la politique de moyen terme ?
Rapport complet disponible : Sortir de la dépendance aux énergies fossiles russes
[1] L’Europe n’a aucune dépendance vis-à-vis de la Russie en matière d’énergies solaires, éoliennes ou hydrauliques. La France importe quelques services et matières nucléaires de la Russie (enrichissement de l’Uranium de retraitement). Ces flux assez marginaux ne créent pas une situation de dépendance, d’autres sources d’approvisionnement étant possibles.
[2] REPowerEU: Joint European action for more affordable, secure and sustainable energy Factsheet_-_REPowerEU
[3] Réduction des vitesses sur les routes – Analyse coûts bénéfices – Mars 2018
[4] Article R241-26 du Code de la construction et de l’habitation.
L’Académie des technologies
L’Académie des technologies est un établissement public placé sous la tutelle du ministre chargé de la recherche. Sa mission est de conduire des réflexions, formuler des propositions et émettre des avis sur les questions relatives aux technologies et à leur interaction avec la société. Depuis janvier 2022, l’Académie des technologies est présidée par Denis Ranque, ancien PDG de Thales et président d’Airbus. https://www.academie-technologies.fr/
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