Terres rares : pas de pénurie en vue, mais des risques géopolitiques

Les travaux du département Économie et évaluation environnementale de l’Ifpen mettent en évidence l’existence de réserves géologiques de terres rares liée suffisantes pour faire face à la consommation, mais pointent les risques d’ordre géopolitique qui pourraient menacer les approvisionnements.

En fonction des scénarios climatiques, la consommation mondiale de dysprosium, terre rare utilisée dans les turbines éoliennes, pourrait être multipliée par 2,5 à 10 d’ici 2050, selon l’Ifpen. ©http://images-of-elements.com/, CC BY 3.0,

Les « terres rares » comprennent un ensemble de 17 éléments naturels répertoriés dans le tableau de classification périodique de Mendeleiev : le scandium, l’yttrium et les quinze lanthanides. En fait, ces « terres rares » ne sont pas plus rares que certains métaux plus usuels. Leurs concentrations dans la croûte terrestre sont supérieures à celles de l’or ou de l’argent, et comparables à celles du cuivre ou du zinc.

Ces matériaux sont indispensables à de nombreuses industries de pointe, notamment militaires, mais aussi pour les technologies bas carbone comme les aimants permanents des turbines éoliennes, qui peuvent contenir jusqu’à 32 % de néodyme et 6 % de dysprosium. Grande stabilité thermique, conductivité électrique élevée, magnétisme fort : ces propriétés des terres rares ont permis des gains de performance pour les technologies tout en diminuant la quantité de matériaux consommés.

Une production mondiale triplée

La production des mines de terres rares a quasiment triplé en 25 ans, passant de 80 000 tonnes en 1995 à 213 000 tonnes en 2019. Cette production est caractérisée par un niveau de concentration élevé. La Chine représente 62 % de la production devant les États-Unis (12 %) et le Myanmar (10 %), nouvel entrant sur le marché. Chine exceptée, le peloton de tête des producteurs ne reflète pas la répartition des réserves. Celles-ci, estimées à 120 millions de tonnes par l’United State Geological Survey (USGS), sont en effet détenues pour plus des trois quarts par trois pays : la Chine, le Brésil et le Vietnam. Des réserves importantes existent aussi en Russie et en Inde.

Depuis quelques années le secteur évolue grâce à la recrudescence de projets d’exploration. Des ressources contenant 98 millions de tonnes d’équivalents en oxydes de terres rares ont été identifiées au Canada, au Groenland, au Kenya, en Tanzanie, au Malawi, en Afrique du Sud, au Burundi.

Pour quantifier les besoins liés à la transition énergétique le Département Économie et Évaluation environnementale de l’Ifpen s’est appuyé sur le modèle Tiam-Ifpen qui établit des scénarios en fonction de la température moyenne maximale retenue dans le cadre de la lutte contre le changement climatique.

Pour une élévation des températures moyennes de 4° C au-dessus des niveaux préindustriels,  1 800 GW de capacités supplémentaires en énergies renouvelables (ENR) intermittentes devraient être installées à l’horizon 2050, générant une multiplication par près de 2,5 de la consommation de terres rares.

Dans le cas de politiques climatiques plus audacieuses (limitation à + 2°C du réchauffement), le besoin s’élèverait à 25 600 GW de capacités ENR additionnelles, dont environ 12 000 GW d’éolien, ce qui conduirait à une multiplication par plus de 10 de la consommation de terres rares.

La Chine maîtresse du jeu

La Chine resterait le premier consommateur, suivie par le Japon, les États-Unis et l’Europe. Pourtant, malgré l’explosion de la demande, aucun scénario ne montre un risque d’épuisement des ressources. Le rapport entre la consommation cumulée entre 2005 et 2050 et les ressources observées en 2017, est de 1,6 % pour le scénario 4° et de 3,8 % pour le scénario 2° C. Cela laisse une marge de sécurité d’approvisionnement importante (respectivement 98,4 % et 96,2 % pour les deux scénarios). Aucune pression géologique ne semble être à redouter dans les décennies à venir, contrairement au cuivre ou au cobalt.

Pour faire face à l’explosion de sa demande interne en terres rares et en réponse à la multiplication des problèmes environnementaux et sanitaires, la Chine a instauré en 2010 des mesures de restriction des exportations. Elle a par exemple, suspendu ses ventes vers le Japon.

La réponse des marchés fut immédiate : les cours se sont envolés. Anticipant des opportunités de gains futurs importants, les projets d’exploration et d’ouverture ou de réouverture de mines ont proliféré. Les entreprises chinoises cherchent désormais à assurer leurs approvisionnements auprès de mines étrangères. La Chine devrait devenir un important importateur. Selon tous les scénarios elle devrait rester premier producteur et premier consommateur à l’horizon 2050.

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