Thibaut Soleilhac, associé du cabinet Hélios Avocats, explique le fonctionnement de la fiducie environnementale, un montage juridique adapté à la mise en place des nouvelles obligations de compensation des atteintes à la biodiversité.
Qu’est-ce que la fiducie?
La fiducie est un contrat, développé notamment en droit anglo-saxon, sous le nom de trust, par lequel le propriétaire d’un bien, quel que soit ce bien , actif matériel, entreprise, portefeuille de valeurs mobilières, transfère la propriété de ce bien à un tiers, le fiduciaire, afin que ce dernier en assure la gestion en vue d’un objectif défini par le contrat de fiducie. Il ne s’agit pas d’une vente, ni d’une location, mais de ce qu’on peut appeler un régime de propriété dégradée : le fiduciaire, est bien propriétaire du bien pour la durée du contrat qu’il a toute liberté de faire fructifier en vue des objectifs arrêtés entre les parties.
Comment la fiducie est-elle s’inscrit dans le droit français?
La fiducie a été inscrite dans notre droit par la loi du 19 février 2007. Elle étoffe l’éventail des instruments juridiques à disposition et nous avons pensé que cet outil pouvait s’appliquer dans le domaine des compensations environnementales issues de la loi Biodiversité du 8 août 2016, notre cabinet étant spécialisé en matière de droit de l’environnement.
Comment une fiducie fonctionne-t-elle ?
Prenons l’exemple simple d’une société d’économie mixte qui réalise une Zone d’aménagement concertée ( ZAC) de 30 hectares. Ce projet comme tout projet aura des impacts environnementaux, sur les milieux naturels, la faune, la flore, les eaux. Et se trouve soumis de ce fait à étude d’impact examinée par la Direction régionale de l’Environnement, de l’Aménagement et du Logement, (DREAL) qui accompagne son autorisation de mesures de compensation. Ces mesures visent à compenser dans un autre lieu, plus ou moins proches du site du projet, et pour une certaine durée (20-30 ans), les conséquences de l’aménagement. Le porteur du projet a l’obligation de d’assurer l’exécution et le suivi de ces compensations. Or le plus souvent, la mise en place de ces mesures, leur gestion, n’entrent pas dans les compétences du maitre d’ouvrage qui par ailleurs n’a pas forcément les moyens humains ou techniques d’assurer cette obligation. C’est un rôle que peut assurer le fiduciaire.
Comment la fiducie est-elle réalisée ?
Le fiduciaire devient propriétaire du terrain destiné à supporter les compensations. Il devra mettre en oeuvre toutes les mesures prescrites par l’arrêté préfectoral au titre de la compensation. Il emploiera pour cela sur les ressources apportées par le porteur du projet qui lui seront versées dans le cadre d’un second contrat de fiducie. Ces fonds garantiront la bonne exécution du programme de compensation sur la longue durée , et en tant qu’investissements, notamment s’ils sont versés en une seule fois, ils pourront être amortis dans les comptes du porteur de projet.
Les avantages de la fiducie?
La fiducie fait intervenir un tiers entre l’obligé à la compensation et l’Etat. Ce rôle ne peut être assuré que par un nombre de limité de professionnels, notamment les banques et institutions financières, et les avocats qui offrent la sécurité juridique indispensable pour la mise en place des contrats de compensation. C’est là où la présence de spécialiste du droit de l’environnement est un atout précieux. L’obligation légale de réassurance qui pèse sur les fiduciaires garantit la bonne fin de l’opération.
Des fiducies environnementales ont-elles déjà été mises en place?
Nous avons étudié la mise en œuvre de cet outil fiduciaire dès l’été 2016 en proposant cette solution sécurisée à l’administration et en la présentant aux porteurs de projets publics et privés. Dans la mesure où elle concerne des projets soumis à étude d’impact donc relativement importants, les instructions sont relativement longues. Mais les premiers projets devraient désormais sortir dès cet automne.
Recueilli par Michel Deprost